Le Film (déc 1960)

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22 LL niser une de ces réunions dont la vanité de Colette attendait tant de caresses. Accueillis aux sons d’un jazz, les invités prirent place à de petites tables. Colette était vêtue d’une robe en lamé d’argent qui la fit tout de suite surnommer «La Sirène ». Autour d'elle se trouvaient réunis deux ou trois administrateurs de société, un député et un technicien de l’affaire de Radio-Visions. Entre le turban de saumon et le moka, elle entendit parler de stock et de polices d’assurance, de capital, de chiffre d’affaires. — Je suis arrivée à Paris il y a très peu de temps, s’excusa-t-elle, comme on s’étonnait de son ignorance. — En somme, ce soir, dit le député, c’est votre lever de rideau. Sourire amusé, mimique discrète du technicien. Il reprit : — Vous verrez! Dans un an vous ferez partie du Palais. Quand vous paraîtrez à un vernissage ou une présentation de mode tous les yeux seront vraiment braqués sur vous. — Vous croyez ? demanda-t-elle candidement. — Bien sûr! C’est que votre mari «vaut» déjà cher. Elle avança une moue : — Pas moyen de le garder au logis. Le technicien s’écria : — Ah! certes, non! Ce n’est pas le moment pour lui de rester dans ses pantoufles. Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est la vie d’un homme d’affaires, petite madame. — Je commence seulement à comprendre ce qu'est la vie de la femme de cet homme-là. Le visage des quatre convives s’épanouit d’une gaieté ironique. — C’est bien vrai? dit le député. Il se penchaïit vers la jeune maîtresse de maison. «Mon Dieu! pensa Colette. Ce n’est pas le moment de me laisser aller à l'émotion et aux confidences. Voyons! Un effort. Où sont mon désir et ma volonté d’avoir un luxueux train de maison et de briller ? » Et, se reprenant vivement : — Je vous en supplie, n'ayez aucune inquiétude à mon sujet. J’ai assez de distractions à ma portée pour qu’elles me mettent en parfaite humeur. — Et vous êtes assez resplendissante pour que votre mari vous comble sur toute la ligne. Elle baissa les yeux. Elle se dit: «Qu‘il me comble de son amour et que ce soit bientôt. » Max était assis à une table assez éloignée de la sienne, Elle y jeta un regard furtif. L'homme d'‘affaires parlait avec animation. Son entourage l’écoutait ; des gens que Colette n’avait jamais fréquentés. Plusieurs fois elle avait émis le voeu de l’accompagner dans ses sorties. Toujours elle avait reçu la même réponse tranchante: «Non. Il est utile que je prenne seul contact avec mes associés et mes clients. » Machinalement, la main de la jeune femme jouait 4 avec les deux cabochons d’émeraude qui fermaient | fallut attendre le mois de décembre pour orga Le Film, Montréal, décembre 1960 sa ceinture. Ce dernier cadeau de son mari était royal, digne de l’'impératrice Théodora qui, lui avait-il expliqué, possédait jadis un semblable bijou. Max exultait. Il réservait une attraction sensationnelle à ses convives — un étourdissant numéro d’acrobatie. La partenaire du trapéziste serra d’angoisse le coeur de Colette. — Et maintenant, jeta Max les mains hautes, maintenant dansons ! | Les rythmes joyeux et trépidants de l’orchestre étaient propres à entraîner les couplés. Max s’approcha de sa femme. — Ouvrons le bal ensemble. Sans attendre sa réponse, il l’enlaça. Elle sentit soudain son coeur battre très fort. A cet instant elle se rendit compte que quelque chose s’éveillait en elle, de plus instinctif, de plus farouche qu’une banale et sotte jalousie. Pourtant elle se ressaisit et détourna son visage des lèvres minces et du regard tremblant de son compagnon. Ils dansèrent une rumba dans une orgie de musique et de fleurs. Colette souriait, ne regardant rien. Max s'arrêta brusquement. Il se trouvait un peu en retrait dans l’ombre d’un paravent. — Belle fête, hein ? fit-il. Elle se trouvait très près de lui, émue, et aurait voulu chuchoter sa joie. Maïs son mari fouillait du regard le flot des danseurs. Il dit sans se tourner vers elle : — J’avais à ma table un homme politique influent et un exportateur américain. — L’Américain, je l'ai deviné. Quand il a voulu se lever il a chancelé un peu... — Il ne boit que du whisky. — Et l’homme politique ? — Du champagne pétillant. Elle rit. Que la vie était belle! Belle en effet. — Je suis bien heureuse, dit-elle. Je t'ai là près de moi, je danse, je bois, j'ai des invités. Le chef a préparé un repas fin. Tu as vu comme la salle est très bien décorée ? — Oui, répondit-il. Partout d’un bout à l’autre de l’appartement des guirlandes faites d’une centaine d’ampoules illuminaient les pièces. Colette prit une tulipe dans un vase et l’éleva très haut : — Rouge. Rouge éclatant. Elle est le symbole de mon bonheur. Max je voudrais. Elle hésita. Non, elle ne pouvait plus retenir les mots sur ses lèvres. Elle dit dans un mouvement de reconnaissance : — Je voudrais que tu saches ce soir à quel point je suis comblée. Son élan était trop impétueux sans doute aux yeux de l’homme d’affaires. Max accepta la déclaration sans y répondre autrement que par un petit geste de la main et de ces mots brefs : — Tu feras du romantisme plus tard. Occupe-toi du buffet. | Eile s’éloigna et chuchota : — Il a raison, Je ne suis pas une femme du