Le Film (déc 1960)

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32 Les événements nouveaux survenus dans son existence… et dans la mienne l’autorisent à reviser le jugement de Valvert. Colette réfléchit un long moment. Son visage s’empourpra, puis redevint pâle. Ses doigts se crispèrent sur son sac. Enfin, elle dit, d’une voix basse : — Vous avez raison. Il faut éviter un scandale, une arrestation. la prison peut-être... — Dès ce soir vous allez parler à votre mari. De quelle façon vous y prendre pour lui faire part de ma proposition ? Je laisse cela à votre intuition féminine. Et puis: «A la grâce de Dieu ! » Colette restait figée sur sa chaise avec un embarras visible. Enfin elle dit d’une voix altérée : — Croyez-vous que Max pourra remonter cette affaire de cycles et de disques de radio ? — Envoyez-moi Vernière, dès que vous l’aurez vu. — Jean-Jacques! Je vais trembler de vous savoir en présence l’un et l’autre. — Pourquoi ? Dans cet arrangement il y a des détails et des clauses qui ne peuvent se régler qu'entre hommes. Quant à vous, je vous répète que votre rôle est précis, aussi délicat soit-il. Reprenez courage. Je ne sous-estime pas la difficulté de votre mission et je pense que vous devez affronter votre mari avec toutes les armes capables de remporter la victoire. — Certes, opina-t-elle, lentement. Mais je voudrais savoir, Jean-Jacques ?.. Pourquoi vous acharnez-vous à nous sauver tous deux ? Les traits de Me Sandri demeurèrent impassibles. — Je ne puis que vous redire ce que vous savez déjà: l’amitié a des devoirs auxquels je ne veux pas faillir. — L'amitié suffit-elle à vouloir combattre pour une femme avec tant de générosité, tant d’opiniâtreté ? Sans quitter sa fière attitude, l'avocat répondit avec une grande douceur : — J'ai cru longtemps que vous étiez née pour moi et que j'étais né pour vous. Et je ne veux pas que le nom porté aujourd’hui par la jeune fille que j'ai aimée soit traîné devant la justice. — Jean-Jacques ! Elle s'était levée et partait comme une flèche. Devant la table elle s'arrêta. Hélas! Les paupières baissées, elle revoyait tout, reconstituait tout. Un charmant ami l’attendait, fin, aimant, d'avance enchanté... Elle murmura : — Si j'avais su. Elle releva la tête et découvrit un homme qui la regardait avec des yeux indulgents et bons; mais où ne brûlait plus le feu de son coeur. Passé! Passé, on ne peut donc pas te retrouver ? Jean-Jacques se pencha un peu et dit: — Ne faisons pas ressusciter le mort que j'ai mis en terre. Des larmes ce soir n’y parviendraient même pas. Si je revendique le droit de vous avoir aimée, je revendique aussi l'honneur d’être aujourd’hui et pour toujours l'époux fidèle d’Alix. Elle hocha la tête, soupira. Jean-Jacques voulait que la situation reste nette. Elle le comprenait Le Film, Montréal, décembre 1960 très bien. Elle avait la bouche amère, l’âme trisste. Il dit : — Donnez-moi votre main. Elle s’exécuta. Puis elle marcha vers la porte d’un pas chancelant. Jean-Jacques dit encore, d’une voix ferme : — Adieu, chère amie! Souhaitons de revoir votre mari bientôt. Ayez confiance. Tout s’arrangera. Elle était éperdue de crainte quand elle mit la clé dans la serrure. La femme de chambre arriva d’un pas prudent et amorti. Le front de Colette se plissa : — Rose, Monsieur est-il rentré ? — Madame, il y a une demi-heure que Monsieur est rentré. — Ah! La servante ajouta, les lèvres pincées et le regard fatal : — Monsieur a dû boire beaucoup d’alcool. Il est dans son bureau. Madame fera bien de veiller. XII ‘APPEL d’un employé de l’aérogare retentit soudain dans le coeur de Colette comme un coup de gong. Elle était assise depuis de longues minutes dans la salle d’attente. Tout se mit à tourner autour d'elle. Elle se frotta les yeux. Non, elle ne rêvait pas. — Allons, pressons, pressons… fit la voix de Max à ses côtés. Il était agité et avait l’air sournois. Colette se leva et prit sa valise d’une main qui tremblait. Tous deux suivirent le petit groupe qui passait sur le champ d'aviation. L'appareil était là, entre le jardin fleuri de la gare et la mer aux reflets de saphir et d’émeraude. La voyageuse eut une triste moue de dédain pour le lumineux paysage et se dit à soi-même : «Je regrette Paris. » Que lui aurait importé encore le désert si elle avait eu l’amour ! Comment avait-elle pu croire que la fortune tenait lieu de tout! Naïve qu’elle avait été! Et maintenant, que lui restait-il ? Depuis qu’il ne pouvait plus planter ses crocs dans une affaire, les travers de Max éclataient au grand jour. Jean-Jacques comme il l'avait promis, s'était instituté son banquier ; mais le programme de sauvetage qu'il avait tracé comprenait cet exil. L'avocat avait exigé que Vernière accepte un poste à Gao, dans un comptoir d’essence. A mesure qu’elle se rapprochait de l’avion, des regrets de plus en plus nombreux menaient leur ronde dans l'esprit de Colette. Gao! La porte du désert; Î Tout à coup, Max saisit son poignet comme il l'avait fait à Valvert. — Monte ! dit-il avec un bref ricanement. Elle se raïdit. Son instinct lui criait de repartir en arrière, de laisser s’en aller seul vers sa destination lointaine cet être qui ne l’aimait même pas, [ Lire la suite page 34]