We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.
Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.
32
perdu dans un repli de la montagne, et surplomblant la vallée. Dominant un fouillis de verdure, la ecasa> réalisait de façon parfaite, à la fois le plus sûr des asiles pour quiconque eût souhaité l'oubli, et la plus idéale retraite pour ceux qui n'auraient songé qu'à aimer.
Assis au seuil de la porte qu’un rustique auvent protégeait, les deux jeunes gens regardaient le site splendide et sauvage. De la vallée, une brume montait.
— Ah! je ne me lasse pas d'admirer tout cela, fit la jeune femme. C'est si beau et je suis si heureuse. :
Il la pressa tendrement contre lui:
— Mon adorée, tu ne regrettes rien ?
— Regretter ?... Mon amour! Ah Dieu!... non, je ne regrette rien.
— Tu n'es pas lasse de ta solitude car, pendant de longues semaines, il faut, hélas ! que, trop souvent, je te quitte. Et, sais-tu quelle est parfois mon inquiétude? C’est... de ne pas te retrouver à mon retour. À bord, lorsque mes fonctions me laissent le temps de réfléchir, une affreuse crainte me vient: si l’on venait te reprendre à moi. Si on découvrait la vérité et ta retraite.
— Chéri. Pourquoi cette épouvante?... Qui pourrait venir jusqu'ici? Une seule personne sait.
— Mais, un jour ou l’autre, elle parlera... Et alors...
— Alors, tout s’arrangera, «peut-être», bienaimé. Alors, nous pourrons «peut-être », vivre ensemble, aux yeux de tous, régulièrement. Alors, je pourai, «peut-être », devenir ta femme.
—Ma femme. Ah! pouvoir t'emmener avec moi, partout où bon me semblera. Ne pas te condamner à vivre seule ici, loin de moi.
— Nous avons été — et nous sommes — si heureux. Te rappelles-tu ce soir où nous nous sommes retrouvés. le lendemain de mon débarquement ? J'étais mal revenue de tant d'émotions, effarée encore de ma décision brusquée, de ma fuite. Lorsque tu as su que j'étais là, quelle surprise pour toi, mon grand.
— Ah! ton message reçu quand je n’espérais plus une telle merveille. Te savoir là, toute proche dans Je port de mon île. Je suis parti aussitôt, comme un fou. Et, en arrivant à l'auberge où tu m'attendais, comme je t'ai saisie dans mes bras. Je délirais de joie. Et, ma bien-aimée, tu as accepté de venir ici. Tu as accepté d’être mienne... Ah! que je t'aime... >
— Et tu peux croire que cela pourrait ne pas durer ? Ne sais-tu pas que je t'adore ? Je t’aimais avant, mais à présent... Ta femme. Je souhaite de l'être un jour, mais si cela ne doit pas être, qu'importe. Je t'aime,
—Ils se turent, demeurèrent blottis l’un contre l'autre, leurs deux coeurs battant au même rythme de bonheur et d'amour.
Un bruit de pas les tira de leur extase heureuse.
— Qui donc vient là? murmura-t-il.
Un gamin du village s’avançait.
— Pietro. Que vient-il faire ici ?
Le petit s'arrêtait, saluait les habitants de la casa :
Le Film, Montréal, février 1961
—B'soir, M'sieur... Bonsoir M'dame... J'ai quelque chose pour vous, M'sieur.
— Un télégramme. Qu'est-ce que cela peut bien être ?
Vaguement inquiet, il rompit la bande de fermeture. Un instant il demeura comme pétrifié, puis le tendit à Denise:
— C'est de ton amie, dit-il. Sois forte, chérie. Nul ne pourra t’arracher à moi.
Elle lut les quelques lignes brèves, les murmura d’une voix défaillante :
— Mon Dieu! Luiici!...il vient... Pourquoi ? J'ai peur...
11 Ja reprit dans ses bras, couvrit de baisers le visage pâli.
Mais elle était affreusement tremblante.
* Li &
—C'est là, dit le guide qu'avait pris au village, pour le conduire jusqu’à la « casa », Pascal Cormier.
Il s'arrêta. Un instant il eut envie de rebrousser chemin. Que venait-il faire dans cette solitude ? Que dirait-il? Que ferait-il ?
Quelle hantise s'était emparée de lui, depuis le jour de la stupéfiante révélation, hantise qui le poussait à revoir celle qu'il avait crue morte ? Quel désir effréné de contempler, heureuse, celle qu'il n'avait pas su entourer de bonheur ?
La hantise, chaque jour, s'était faite plus forte.
Il n'avait pu résister. Cependant, il s'était ouvert de son projet à Lucienne Valory, avait accepté qu’elle prévint les solitaires du Monte del Angelo.
Maintenant, il était parvenu à la fin de la route.
Longuement il contempla la maison, toute blanche, qu'entouraient des massifs d’oliviers. Le soleil accrochant des étincelles sur les rochers par endroits dénudés. Des fleurs, dans des jarres de terre, ornaient les côtés de la: porte.
Ainsi, là vivait la jeune femme qui avait été sienne et qui, désormais, appartenait à un autre. Un instant, sa jalousie d’autrefois reparut en lui. Il fit un effort pour retrouver le calme.
La maison, dans le silence que rompait seule le bourdonnement des insectes et quelques cris lointains venus de la montagne, évoquait un asile de paix et de bonheur.
Pascal Cormier s’avança vers la porte. Elle était entr'ouverte; il eut urie dernière hésitation, puis entra.
Il vit Denise... et il vit celui qu’elle aimait.
Tous deux, à l'entrée de l’arrivant se dressèrent; ils se prirent la main. Ainsi, on les sentait unis, rivés, envers et contre tous, l’un à l’autre.
Il y eut un tragique silence.
Puis M. Cormier se ressaisit, s'approcha du couple anxieux, et, le premier, parla:
—Je ne viens pas en ennemi, Denise, dit-il d’une voix qu’il s’efforçait de rendre ferme. Cependant, mon émotion est grande. Songez à ce qu’a été, pendant dix-huit mois, ma conviction! Et je vous revois, vivante, devant moi.
— Pardonnez-moi, parvint à murmurer Denise. Je suis coupable envers vous, mais... Si vous êtes là... c'est que Lucienne Valory vous a tout expli
[ Lire la suite page 34]