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CARL LAEMMLE:
L'ART D'EDITER UN FILM . COMMENT DES FORTUNES SE GAGNENT ET SE PERDENT
« Securite cn dvrnicr licu! >\ teile flevrait etre la (levise de celiii qui se propose de se lancer dans de vastes entreprises de spectacles destines ä un public inondial.
Selon nioi. il n V a rien d'aussi hasardeux que le sort de rentrcpreneur de spectacles. 11 est hasardeux pour cette simple raison qu il n'existe point de rejrle absolue et infaillible qui perniette de deterniiner ce que le public veut aujourd'hui, ce qu il voudra demain, et ce qui lui plaira ensuite le jour suivant. Personne n'a encore Jamals pu prevoir avec une certitiide irrevocable ce que rapportera un film donne, dont le plan peneral et les details sont necessairemeiit etudies et combines plusieurs mois avant sa presentation generale. Les producteurs qui veulent etre honnetes envers eux-memes sont obliges d'avouer franchement que chaque fois qu ils sanctionnent un nouveau film, il ne font qu obeir ä Finstinct ancestral du joueur — qui dresse sa perspicacite conti'e des forces incalculables.
C'est precisement ce qui explique que l'industrie du film attire Fhomme du type entreprenant, rhomme ne se refusant pas au risque ä courir, et pour lequel le mot « securite » est anatheme, rhomme enfin qui est dispose ä miser sa fortune et ä jouer le tout pour le tout. Lors de mon debut dans les affaires de cinema, comme exploitant, l industrie se debattait dans l etreinte du Patents Trust. Le Trust eliniinait graduellement le petit exploitant et le producteur independant.
Je resolus de briser la puissance du Trust. Mon plan seniblait ne valoir guere mieux qu'un reve futile. Mais je n'etais pas dliumeur ä me laisser abattre par les difficultes accumulees contre moi. Le monde pouvait croire que la victoire etait impossible; pour moi, en tout cas, Teventualite dune defaite etait une question qui ne se posait meme pas.
Apres avoir ete en proces constamment pendant des annees et des annees — les frais juridiques s'eleverent a pres $ 300.000 — je l'emportais de haute lutte, et je conquis la liberte du cinema.
Aujourd hui la societe cinematographique que je contröle est a eile seule une veritable ville. Elle possede ses propres hotels, ses pensions de famille, sa banque, son bureau de poste, son Service d'incendie, sa police, ses magistrats; eile englobe toutes especes de paysages, depuis des plages vaseuses jusqu'ä des montagnes. Sa population est de plus de 5.000 ämes.
Peut-on, apres cela, trouver etonnant que mes responsabilites me semblent parfois bien lourdes?
A L^niversal City des fortunes ont ete gagnees, et des fortunes ont ete egalement perdues. « Le Bossu de notre Dame » — dont la confection coüta plus d'un million de dollars — nous valut une riebe moisson de benefices. A cöte de cela, « Foolish Wives » de Von Stroheim — qui avait coüte un million et demi — fut un fiasco financier qui se chiffra par deux cent cinquante mille dollars! Neanmoins, je ne regrette pas d'avoir tounie ce film, car j'estime qu'il ä contribue ä rehausser encore le prestige artistique de ma troupe.
Tous les films — surtout ceux qui renferment une pensee originale — doivent etre consideres comme des entreprises ressortissant au jeu de hasard. Aucun d'entre nous ne saurait prevoir avec certitude quelle sera exactement la reaction du public.
D'autre part, c'est folie que de s'imaginer que pour gagner de l'argent il suffit de « donner au public ce qu'il veut ». Meme le producteur le plus experimente, est force d'avouer qu'il ne sait pas ce que le public demande. Le public lui-meme n eu sait rien, tant qu'on ne lui a pas montre l'article fini sur l'ecran. Personne, dans l'industrie des spectacles, n'a jamais rien fait de hon en s'attacbant ä fournir au public ce que celui-ci est cense desirer. Par contre, nombreux sont ceux qui ont gagne argent et reputation en lui fournissant quelque chose en quoi ils avaient foi eux-memes, guides en cela par leur propre goiit, quel qu'il püt etre. L'idee que l'on peut se laisser conduire par le public est — pour emprunter la parole qu'Henry Ford appliquait ä l'Histoire — de la « pure blague ».
Cet utile principe de sagesse s'est revele ä moi au cours de mes douze annees d'apprentissage dans le commerce de rhabillement, alors que je remplissais les fonctions de directeur d'un magasin de manteaux et vetements ä Osbkosh, dans le Wisconsin. C'est lä que j appris non pas a m'assurer de ce que le public voulait, mais ä imprimer dans l esprit du public ce que je voulais qu'il veuille.
N'allez pas en conclure que je lui imposais un article inferieur. Agir de la sorte, c'est courir au desastre. Car, en premier lieu, votre intention est süre d'etre percee a jour, et, en second lieu, vous perdez vos clients.
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